Madeleine Vionnet et la Presse féminine 1933-1934

1933

En 1933, l’Europe est touchée de plein fouet par la crise débutée en 1929 aux Etats-Unis, le taux de chômage atteint des records et le troisième Reich débute en Allemagne, mais la haute couture parisienne, elle, se porte plutôt bien.

Chez Madeleine Vionnet, les coupes sont sans doute un peu plus modestes et les couleurs peut-être un peu plus sobre, mais son style est toujours parfaitement reconnaissable.

Quelques personnalités du monde la mode de l’époque a ajouter à notre collection :

RBW : Il s’agit du comte René Bouët-Willaumez, (1900-1979), un illustrateur de mode du milieu du XXe siècle, d’origine bretonne. Après des études à l’École Centrale, il abandonne sa carrière d’ingénieur pour s’établir à Paris et y mener une carrière artistique. Sportif, mondain et doué pour l’illustration, il va développer un style reconnaissable avec ses dessins fluides, précis, et descriptifs. Découvert par Condé Nast, sa première apparition dans Vogue date de 1929, il travaille ensuite régulièrement pour ce magazine. Ses relations avec Carl Erickson, un autre dessinateur stars, sont tendues. Son style étant très proche de celui de la femme de ce dernier, Lee Erickson, alors à l’apogée de sa carrière, celle-ci insiste auprès de Michel de Brunhoff (le rédacteur de Vogue France) pour éloigner Bouët-Willaumez de Paris : il part pour Londres. Mais alors que la couleur entre majoritairement dans les pages du magazine de mode à cette époque, il va rapidement s’imposer et trouver sa place.

Concernant ce dessin :

Paul-Louis Weiller (1893-1993) est un chef d’entreprise et mécène français. Le dessin est sans doute de Cécil Beaton, qui est plus connus pour ses photographies (et dont je parle ici) et le modèle est la femme d’alors de Paul-Louis Weiller, Aliki Diplarakou (qu’on a déjà rencontré également)

Enfin, on a cette photo d’une des premières top-modèles.

Marion Morehouse, née en 1903 aux Etats-Uni, a été une des premières superstars du mannequinat. Elle a également été actrice. Elle a été photographiée pour Vogue par Steichen, Hoyningen-Huene ou Cécil Beaton qui dira d’elle : « Ce n’est que lorsque Miss Marion Morehouse a été découverte par Steichen que les modèles photographiques sont devenus si connus qu’ils ont exercé une influence sur le public. À cette époque, le but des modèles était d’être de grandes dames, et Marion Morehouse, avec sa façon particulièrement personnelle de tordre son cou, ses doigts et ses pieds, était à l’aise dans les circonstances les plus grandioses« .

Venant d’une famille d’acteurs elle se produira à plusieurs reprises à Broadway, dont dans les fameux Zeigfield Follies. En 1924, elle est repérée par Vogue. À l’occasion d’une visite à New York du couturier français Jean Patou, Condé Nast décide d’organiser un concours pour prouver que les Américaines sont aussi belles que les Françaises. La gagnante deviendrait mannequin pour le couturier à Paris. Ce concours est remarquable, car il marque un tournant dans l’industrie du mannequinat : jusqu’alors, le métier de mannequin, était plutôt miteux ou plus précisément, ce n’était pas vraiment un travail, et si vous n’étiez pas princesse ou baronne, votre nom n’était même pas cité.

Elle ne remportera pas le concours, mais sera quand même remarquée par Edward Steichen et posera pendant environ huit ans pour le magazine créant une nouvelle forme de célébrité : les modèles. Elle devient suffisamment reconnue pour que son nom soit cité sous ses photos. Elle quittera tout pour s’occuper de son compagnon, le poète E.E Cumming.

1934

Cette année-là, la crise est toujours présente même si on en retrouve que de rares mentions dans les magazines de mode, quand on évoque « un effort commercial qui ne peut manquer d’être apprécié en ces temps difficiles.« 

Madeleine Vionnet, cette année-là, fait une rétrospective des modes du 18e et 19e siècle avec des capes, des manches très bouffantes et des évocations des poufs et des tournures à la Française. Tout en gardant la fluidité de ses coupes et le modernisme de ses accessoires ou de ses tenues, comme cette « robe de ski » qui est clairement une combinaison. Anecdote : la troisième image du diaporama, est la version photographiée du manteau noir de l’image ci-dessus.

On trouve aussi ce bel article/hommage dont je vous mets la transcription :

Madeleine Vionnet avait en 1909 quitté les sœurs Callot pour entrer chez Doucet, qu’elle ne devait abandonner que pour fonder en 1912 sa propre maison.
La première collection présentée rue de Rivoli n’était encore que la promesse de l’admirable  » Vionnet 100 % ” de ces dix dernières années, mais le coup qu’elle porta dès le premier jour aux principes les plus sacrés de la mode d’alors, fut si rude et si sûr à la fois que l’enthousiasme se nuança de scandale pour consacrer le succès, l’immense succès, que la guerre devait brutale ment interrompre de 1914 à 1919.
Ce n’est cependant que plus tard, en 1923, que Mme Madeleine Vionnet, sur les instances de son entourage, s’est décidée à donner à son affaire le cadre et l’ampleur dignes de son talent et de sa renommée mais auxquels sa simplicité et sa modestie résistaient encore.
L’aristocratique demeure de l’avenue Montaigne, discrètement modernisée et doublée par six étages de vastes ateliers pourvus des derniers perfectionnements, a vu l’effectif de son personnel dépasser sensiblement le chiffre mille.
Les robes de Madeleine Vionnet sont senties, pensées, mais elles sont avant tout construites, c’est ce qui leur confère cette robuste et sereine magnificence et leur permet cet étonnant défi aux désaffections de la Mode; on a appelé Madeleine Vionnet “ l’architecte de la couture
Avec sa prodigieuse connaissance de son métier, Madeleine Vionnet a créé une technique nouvelle, celle de toute la couture contemporaine, et c’est un sentiment unanime qu’a exprimé un jour un de ses plus notoires confrères en disant quelle était dans son art la plus grande technicienne des temps modernes”.
On ne peut parler de Madeleine Vionnet et de son œuvre sans rappeler que c’est grâce à ses efforts que les productions de la Mode peu vent aujourd’hui se réclamer efficacement des lois destinées à les protéger contre le pillage de la copie et ce n’est pas là le moindre des services qu’elle a rendus à sa corporation.

Enfin, après 1933, on voit définitivement l’arrivé des mannequins professionnels dans les pages des magazines avec, après miss Morehouse, l’apparition de Miss Koopman.

Catharina « Toto » Koopman, (1908-1991) est donc un mannequin d’origine néerlandaise et indonésienne. Elle est la première métisse à faire carrière dans le mannequinat lorsqu’elle s’établit à Paris, où elle travaille pour Coco Chanel puis Marcel Rochas, Mainbocher et Madeleine Vionnet. Des photos d’elle paraissent régulièrement dans Vogue Paris, et ses portraits sont signés Edward Steichen et George Hoyningen-Huene. Ses liaisons bisexuelles, avec Tallulah Bankhead, Randolph Churchill et Lord Beaverbrook, défraient la chronique. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, elle s’engage au côté de la Résistance italienne en tant qu’espionne et est arrêtée. Elle est alors déportée au camp de concentration de Ravensbrück. Après la Libération, elle fait la connaissance de la galeriste allemande Erica Brausen, qui deviendra sa compagne jusqu’à sa mort. Les deux femmes ouvrent en 1947 la Hanover Gallery, à Londres, qui révèle au public, entre autres, l’œuvre de Francis Bacon. Elles vivent surtout entre Londres, Paris et la propriété qu’elles ont acquise en 1959 sur la petite île de Panarea, au nord-est de la Sicile.

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